Un certain regard
5.5/10 |
Rares sont les films à ne créditer aucune personne à l’image. En effet à la fois animation et muet, le film ne connaîtra pas le doublage. Facile pour l’exporter à l’étranger! Mais qu’en est-il du visionnage?
La Tortue rouge a été cosigné par les prestigieux studios d’animation japonaise Ghibli. C’est la première fois que Ghibli collabore avec un artiste extérieur au studio, a fortiori étranger. Il aura fallu près de 8 ans au réalisateur Michael Dudok de Wit pour mettre en images cette fable poétique.
Un double sentiment ressurgit de cette œuvre. Ce survival mélancolique est une envolée spirituelle lente, parfois douloureuse. Un doux rêve qui peut rapidement devenir pénible dans l’attente d’un mot, d’un rebondissement quelconque, si ce n’est d’attendre la prochaine vague s’abattre au pied de notre héros. Cependant, le rêve ne se transforme jamais en cauchemar. Nous sommes captivés par les images, par les quelques notes de musique qui dessine ce conte écolo, nous berçant dans cette nature polymorphe toute-puissante. On ne sait pas pourquoi cet homme est là et on ne connaît pas ses intentions si ce n’est de prendre le large mais finalement on arrive à s’accommoder de la situation et d’affronter au jour le jour la destinée de l’homme et de cette tortue, loin d’être ninja.
Les dessins sont épurés et minimalistes, l’esthétique en fait ressortir quelque chose de magique, telle une peinture sur verre. La musique rare mais de hautes envolées arrive à nous soutenir dans ce survival qui se transforme petit à petit en cycle de vie poétique. Amour et dame-nature rythment les jours de ce Robin Crusoé moderne. Et nous, spectateur, restons tangents entre éveil et sommeil. Même si consentement passif, dès lors où le générique apparaît, on se questionne sur le symbole qu’a voulu donné le réalisateur à sa femme-tortue? Si la tortue est humanisée, pourquoi ne pas conserver totalement l’idée en laissant l’enfant revenir procréer sur son lieu d’origine comme c’est le cas chez les tortues, fidèles à leur lieu de ponte. Est-on capable de se laisser aller aux songes trompeurs de La tortue rouge sans se poser des questions?
L’environnement Ghibli, généralement ce n’est pas mon trip mais il faut reconnaitre qu’avec La tortue rouge, il en ressort quelque chose d’unique. Amphibologique et lente, l’allégorie poétique de l’œuvre devrait prendre tout son sens avec un petit champignon hallucinogène, au risque de devenir ennuyeuse.