8/10 |
Mustang est un récit initiatique d’émancipation. Derrière le titre se cache une référence, peu évidente, au cheval sauvage qu’incarnent les cinq héroïnes aux crinières soyeuses avec leur tempérament indomptable, libre et fougueux. Selon la réalisatrice: « La place des femmes est problématique en Turquie« . Pourtant il est un des premiers pays à avoir légalisé le droit de vote des femmes dans les années 30 mais paradoxalement, la domination et le droit de disposer de son propre corps est une grave préoccupation d’actualité.
A travers le regard d’une fratrie d’adolescentes qui passe d’une jeunesse libre à un passage à l’adulte sous contraintes familiales et religieuses, on reste captivé par un scénario intelligent et bien construit. Les 5 sœurs soudées par un début de vie difficile, vont réagir toutes de manières différentes face à un oncle pervers qui pense tout contrôler en forçant le mariage (et j’en passe!). Si la première des filles s’épanouit avec un mari imposé, la seconde se contentera d’être malheureuse comme une pierre et d’accepter sa fatalité. Après avoir énoncé deux situations différentes, les sœurs suivantes vont réagir de façon plus ferme et ne plus se laisser faire, avec toutes les conséquences que cela va engendrer. A croire que les benjamines agissent en connaissance de cause, à travers l’histoire des ainées.
Dans cette société, la mixité n’a rien d’une évidence. En 2015, il est encore incroyable de voir dans certains pays, des familles qui réagissent de manière aussi barbare. Enfermer ses enfants, pour qu’ils ne découvrent pas le monde extérieur, en renforçant consentement les ouvertures par des barreaux relève de l’impensable. Une maison familiale peut vite se transformer en citadelle, voir en prison. Avec un soupçon d’inconscience, l’infranchissable pour les adolescentes deviendra un jeu, même si on est dans la peur constante qu’elles soient rattrapées par leur quotidien et la perversion du chef de famille. Heureusement, même si les relations sont lourdes, les filles fraiches et animées nous offre des moments joyeux et drôles dont la sortie enjouée au match de football. Une petite victoire. Une revanche sur la vie… au risque d’être sévèrement sanctionné! C’est grave non?
A réagir ainsi, la religion crée de la frustration. Que ce soit du coté de la femme mais aussi de l’homme. En Turquie, la virginité est une valeur en soi. Il n’est pas anodin de contrôler la virginité d’une femme le jour de son mariage en l’auscultant ou en scrutant ses draps pour y voir ou non du sang. Nous sommes asphyxiés par cette pression sociale et familiale, tout comme ces jeunes filles qui ne cherchent qu’à vivre leur vie de jeune femme impunément comme « nous » le faisons dans les pays civilisés, car oui de telles pratiques font froid dans le dos et n’ont rien d’humain. La conscience collective le sait, mais Mustang a le mérite de nous le rappeler avec justesse, grâce aux relations touchantes d’une fratrie petit à petit démembrée.
Prix Label Europa Cinéma et prix du Jury Cinécole, Mustang siège dans le réalisme et la justesse face à la cruauté d’une religion oppressive, sexiste et discriminante. Un premier film remarquable brillamment mise en scène par la réalisatrice qui dénonce les conditions de la femme en Turquie dans une société où leur place fait débat. Bravo Deniz!
Gaëlle Pacaud-Marchi liked this on Facebook.
Catherine Pacaud liked this on Facebook.
Chrystel Kalinka liked this on Facebook.
Encore un pays où même aujourd’hui seul le système théocratique fait foi et ce film a l’air de bien le décrire y compris la révolution jeune qui grandit fort heureusement au risque de voir un renversement un jour peut être….ou enfin…