Réalisé par Avec Harris Dickinson, Charlbi Dean, Woody HarrelsonPays: Genres : Comédie, Drame Durée : Année de production : |
8.5/10 |
Palme d’or à Cannes en 2022, Triangle of Sadness (Sans filtre), est une œuvre drôle, croustillante et horripilante. Divisé en 3 actes: l’addition, le bateau et l’île, chaque segment apporte petit à petit des éléments pour construire une opposition entre les riches et le prolétariat, l’influenceur et l’ouvrier immigré.
Acte I : Qui doit payer l’addition, l’homme ou la femme ? Cette situation cocasse qui rythme toute la première partie n’est qu’un amuse-bouche avant le coup de maître du film. On y découvre dès les premières images la position de la femme et de l’homme à travers le cynisme discriminatoire de l’industrie du prêt-à-porter. La situation autour d’un couple se tend très rapidement avec ferveur et justesse.
Acte II: Tourner l’excès des riches à son paroxysme. On assiste au naufrage d’une certaine oligarchie occidentale incapable de voir la réalité du monde dans lequel ils gravitent. Le capitalisme prend cher. Cet acte opère un virage à 180 degrés avec des scènes sur une croisière qui dégoulinent de drôlerie. La lutte des classes prend une forme grotesque qui en devient grandiose. La folie de ces vingt minutes atteint un tel niveau qu’elle semble capable de ne jamais retomber jusqu’à faire mourir de rire les spectateurs. La folie finit toutefois par s’arrêter pour ouvrir le troisième et dernier acte.
Acte III: Cette dernière partie est peut-être la moins rythmée et souffre de quelques longueurs. Cela ne l’empêche pas de continuer à distiller plusieurs situations irrésistibles, de continuer à se servir de ces gags pour remettre en question les excès de notre société. Il réussit le pari de tenir en haleine son spectateur jusqu’à l’issue de l’intrigue. Et même si la frustration se fait ressentir sur une fin ouverte, elle prend finalement tout son sens à travers des débats qui peuvent se construire sur une éventuelle continuité sur l’île, à l’hôtel ou de retour sur le continent.
Le réalisateur Ruben Östlund comme à son habitude laisse au spectateur une critique acerbe de la société face à un événement imprévu. Le réalisateur se permet toutes les provocations dans cette fable où il tire principalement sur les plus riches de ce monde! La mise en scène est soignée et aboutie et même si le sujet entre les classes populaires et les riches aurait pu être accablant ou étouffant, Triangle of Sadness apparaît avec légèreté comme une impitoyable satire de la société contemporaine. La force du film est de multiplier les personnages mais d’arriver à leur donner tous du poids dans l’histoire. Ainsi, on a un couple beau et charismatique, un commandant de bord totalement barge, un russe affreusement démagogue et une Abigael totalement incarnée. Rythmée aux violoncelles totalement à contresens de l’ambiance qui décroît à travers un voyage idyllique qui tourne vite au cauchemar, la musique conserve ici une véritable identité. Et si le film est sans nous rappeler le cinéma engagé de Bong Joon-ho (Parasites) sur les inégalités sociales, fraichement récompensé à Cannes, l’environnement de Triangle of Sadness est plus cosmopolite, s’adaptant à des lieux fantasmés passant du défilée à la croisière (s’amuse).
Triangle of Sadness parvient à surprendre et à nous embarquer dans un houleux remous ménage. Un bon cru Cannois!